Colloques



En cours de rédaction

Colloque international 2014

 Le corps dans les jeux vidéo ubiquitaires

MIG PRO
Colloque international 2014
RIRRA 21

Dans les jeux vidéo, le corps est central même quand il n’est pas représenté comme dans les jeux de tir à la première personne (First Person Shooter), il devient le lieu d’un vertige, l’impossible desincorporation s’exprime dans un sentiment de perte de contrôle et de déséquilibre. Que l’on soit « la main de Dieu » ou  l’avatar à la troisième personne, nous nous déplaçons par l’intermédiaire de périphériques dans un espace numérique ou une réalité augmentée, dans un lieu ici et maintenant. Lieu intime et étranger, notre corps est au centre de notre perception du monde, c’est de lui et avec lui que nous regardons, touchons, sentons, écoutons. Notre corps est un espace familier et intime de notre vie, il est parfois le seul témoin de certaines actions ou pensées inavouables. Comme le dit Michel Foucault dans « le corps utopique », « je ne peux pas me déplacer sans lui ; je ne peux pas le laisser là où il est pour m’en aller, moi, ailleurs. Je peux bien aller au bout du monde, je peux bien me tapir, le matin, sous mes couvertures, me faire aussi petit que je pourrais, je peux bien me laisser fondre au soleil sur la plage, il sera toujours là où je suis. Il est ici irréparablement, jamais ailleurs. » Et pourtant, une des particularités de ce corps auquel nous sommes irrémédiablement attachés est qu’il fonctionne de façon transparente, seule la douleur et le dysfonctionnement nous rappellent sa présence. Lorsque notre regard capte par hasard notre reflet dans une vitrine ou que nous découvrons nos expressions et allures sur une photographie, nous avons souvent des difficultés à nous reconnaître physiologiquement. Ainsi nous nous sentons intimement liés avec notre corps, mais sa représentation sociale et esthétique nous échappe presque entièrement. D’où certainement le temps que nous passons à habiller, déguiser, maîtriser ce reflet, cette image qui se projette vers les autres. L’avatar vidéoludique devient le reflet de cet ailleurs, cet étranger à mon image, incorporé dans des pratiques culturelles quotidiennes. Dans les jeux vidéo, nous jouons avec notre identité, avançons masqués ou trouvons dans l’avatar, l’ultime rêve ubiquitaire.
Les médias et les jeux vidéo jouent aujourd’hui le rôle d’avatars symboliques où se construisent notre socialisation et notre identité. Ainsi nous incorporons symboliquement et matériellement l’histoire et l’esprit de notre temps à travers nos pratiques et usages singuliers. Les représentations stéréotypées reliées aux corps, configurent, disciplinent et dominent ces derniers tout en permettant de nouvelles expériences, capacités cognitives et communicationnelles. Pour Michel Foucault, la définition de leur identité comme de leur relations réciproques (de classe, de genres, de culture) est traversée par diverses formes hégémoniques. En études culturelles, ces représentations sont l’expression d’un pouvoir doux (softpower), « en incorporant ces valeurs, de jeu en jeu, dans notre vie à tous, ces produits ludiques fabriquent du consentement »[i]. Nous sommes ici dans un rapport de forces symboliques, où les régimes de valeurs hégémoniques et notamment technologiques viennent se confronter aux régimes de valeurs en résistance jusqu’à ce que ces dernières soient récupérées par un capitalisme spéculatif, polymorphe et opportuniste, figure hégémonique de notre époque. Ainsi certain jeux comme Call of Duty (alors qu’ils sont payants d’accès), offrent des possibilités de personnalisation des objets et armes, des espaces accessibles, des lieux inédits pour les joueurs agiles avec leur carte bleue. Au cœur même de l’expérience-joueur, des sollicitations marketing viendront colorées la structure des mécanismes de jeu et suivant les moyens financiers des joueurs ceux-ci pourront acquérir une rétine oculaire spécifique ou accéder à des zones inédites (Call Of Duty sur Xbox 360 utilisant le périphérique Kinect). Cette hyperrationnalité du corps, s’exprime dans l’ultime rêve transhumain et posthumain de dépasser la nature et incorporer la technique afin d’atteindre l’immortalité (Bioschok, Deus Ex Human Revolution, Minority Report).

Ces dernières années, la réalité augmentée a colonisé nos actions familières et vidéoludiques avec l’arrivée des interfaces tactiles et gestuelles des consoles de jeux vidéo (Wii et la DS chez Nintendo, Kinect chez Microsoft Xbox et Move chez Sony, Playstation),  ainsi que les différents autres dispositifs techniques tels que la Leap Motion, les tablettes tactiles et les téléphones cellulaires. Les gestes se déploient et la danse des doigts sur le clavier se transforme en chorégraphies involontaires dans le salon, dans la rue ou devient caresse sensuelle d’objets singuliers. Copenhague Game Collective propose B.U.T.T.O.N (Brutally Unfair Tactics Totally OK Now) et Magnetize me, où les jeux viennent habiller l’espace social de rencontre et de convivialité en invitant les joueurs au contact corporel. En même temps que les corps deviennent interfaces, les périphériques quittent l’écran et grandissent afin d’être saisis, ainsi Gigantomachie de One Life Remains ou Giant Joystick de Tiltfactory mettent en scène des situations de gigantisme, interrogeant la miniaturisation des composants électroniques et l’hyperindividualisation des relations ordinateurs-joueurs. Dans Giant Joystick Mary Flanagan met en scène un Joystick géant tel un phallus dénonçant l’hégémonie masculine sur ces pratiques, les joueurs se retrouvent à caresser et embrasser ce joystick pour interagir.
Ces interfaces intuitives permettent à différentes catégories de joueurs de prendre du plaisir quelles que soient leurs pratiques, ainsi parents, grands-parents et adolescent peuvent partager un temps de jeu où s’impose un plaisir de « jouer ensemble », le jeu vidéo n’est plus réservé à des joueurs inconditionnels dont le stéréotype est un adolescent, geek et asocial. On voit alors des femmes sur la Wii Fit faire leur activité de fitness, des  retraités dans les maisons de retraite s’amuser au Wii bowling, des patients chez le kinésithérapeute se rééduquer devant un jeu vidéo. Tous semblent heureux, dynamiques et performants dans cette société gamifiée ! Pourtant en convoquant les corps, ces interfaces créent aussi du malaise, elles forcent une mise en scène performative qui si elle fait rire de désarrois, montre l’écart entre les représentations de corps idéals dans les univers virtuels et sa réalité matérielle. Cet écart apparaît alors tellement important qu’il est impossible de transférer les mécanismes de jeu vidéo standards vers ces dispositifs gestuels. Les rythmes et les séquences d’actions devenant irréalisables hors du clavier. Ainsi si l’avatar et le clavier disparaissent, le joueur se retrouve dans une nudité primitive déstabilisante, où il doit avec seulement son corps se confronter à un espace virtuel et technologique. Un nouveau genre s’affirme alors avec ces interfaces le « slow gaming » proche du concept de « calm computing » de Mark Weiser et certainement faisant écho aux mouvements tels que « slow food ». Ainsi l’œuvre Flower de That Game Compagny, propose un jeu sur PlayStation 3 où le joueur incarne soit le vent soit un pétale de fleur dans une promenade poétique. Child Of Eden adaptation du jeu Rez, utilise le périphérique Kinect de la console Xbox 360 dans une performance musicale douce et donc respectant le rythme corporel humain.
Ce colloque se donne comme objectif d’explorer de façons sociocritiques les représentations du corps dans les images vidéoludiques, les réalisations expérimentales de serious game et les modalités d’interaction des nouveaux dispositifs ludiques tactiles, gestuels et ubiquitaires.

Trois grands axes sont proposés :
1) Représentations et stéréotypes des corps dans les univers vidéoludiques :
- Identités 
- Transhumain
- Genre

2) Nouveaux espaces anthropologiques
- Ubiquité
- Convivialité
- Game design, Slowgaming

3) Jeux sérieux comme soin du corps
 -  motricité
-  Psychologie et psychiatrie
-  Sciences cognitives

L’appel à communications est destiné aux enseignants-chercheurs, développeurs, ingénieurs en intelligence artificielle, artistes, auteurs, aux étudiants-chercheurs, ainsi qu’aux réalisateurs indépendants et game designer. 



[i] Fortin, Tony, dans « Les jeux vidéo, joujoux idéologiques », Le Monde 28 décembre 2013.




 La Saga des Jeux Vidéo
17 mars 2014 salle des colloques 2- St Charles
10h00-12h30  14h00-16h30
                                                                                                        
10h-12h30  LA SAGA DES JEUX VIDEO
Nous démarrerons cette journée avec Daniel Ichbiah, écrivain, qui a effectué sur son livre « La saga des jeux vidéo » un très long travail d’enquête sur les débuts de cette industrie, interviewant un à un les pionniers de ce domaine. Originellement paru en 1997, le livre a fait l’objet de 5 éditions avec d’importantes mises à jour au fil des versions – la dernière édition date de 2012.
Le livre de Daniel Ichbiah divise l’histoire des jeux vidéo en 9 parties :
1ère partie : Le raz de marée.
Ou comment Pong de Atari révèle l’existence d’un engouement universel.
2ème partie : Naissance d’un Art
L’arrivée de Nintendo et de Sega et des premiers jeux mythiques : l’Arche du Captain Blood, Tetris, Sim City.
3ème partie : L’ère de la fascination
Comment l’image de synthèse 3D métamorphose le jeu vidéo.
4ème partie : Improbable maturité
La PlayStation remet les pendules à l’heure et  déstabilise Nintendo et Sega. Doom fait entrevoir les potentiels du jeu sur Internet.
5ème partie : Les rêves que l’on partage
Les premiers mondes permanents font leur apparition.
6ème partie : Élargissement du champ des possibles
Lara Croft est la première héroïne virtuelle. Pokémon élargit le champ du jeu à celui des échanges de cartes et de personnages dans les cours d’école.
7ème partie : Game over
La fin prématurée de Sega. La plupart des grands studios français de jeu, après une période de gloire s’effondrent un à un.
8ème partie : Loisir universel
Le jeu Les Sims est adopté par tous les publics. La Wii va jusqu’à faire jouer les pappys et mamies.
9ème partie : Génération spontanée
L’iPhone voit naître le phénomène des jeux sur smartphone qui démarre comme une génération spontanée. La Kinect et les jeux sociaux sur Facebook achèvent de faire entrer le jeu dans les foyers.
L’auteur reviendra sur ces 9 étapes majeures de l’histoire du jeu vidéo.

12h30-14h00 Déjeuners
14h00- 15h30 Table ronde autour des métamorphoses du métier de Game designer
Invités (en cours de confirmation):
Eric Chahi (confirmé)
Le métier de game designer a énormément évolué ces dernières années, avec des outils toujours plus contraignants tels que les statistiques-joueurs, les injonctions marketing, les outils de rationalisations (équilibrage, GDD, théorie du flow…).
Après un tour de table de présentation et de témoignage, nous questionnerons ces évolutions.
15h30 Questions libres des étudiants en Game design, échanges autour d’un rafraîchissement



Artgame 2013

http://artgame-gameart.sciencesconf.org/



L’industrie vidéoludique est traversée par des courants hétérogènes qui la rendent complexe et difficilement discernable dans son appréhension du point de vue de la création artistique.
Mue par sa vocation commerciale, l’industrie ne semble envisager le joueur qu’à l’aune d’une cible marketing tant la conception y est assujettie et la monétisation de biens virtuels généralisée. Tout semble se passer comme si le contenu, la portée et les processus de ces jeux étaient essentiellement motivés par les logiques financières. D’une part, compte tenu des sommes engagées (18 à 28 millions de dollars en moyenne pour jeu AAA*) les administrateurs se préoccupent principalement de sécuriser les processus de création et de réalisation afin de garder la confiance des actionnaires et des investisseurs. D’autre part, en surfant sur la vague « casual » des réseaux sociaux, les néo business models, en partant de rien créent des empires. Le sens qualificatif, le culturel désintéressé, semblent ainsi s’effacer au profit d’une pure logique consummériste.
Pourtant, par-delà ces joutes économiques, il y a des femmes et des hommes plus attachés à engager des valeurs existentielles émancipatrices. En fond de cale de ces navires industriels ou sur de frêles esquifs quand ils ont choisi l’indépendance, ils créent. Qu’ils soient graphistes, musiciens, programmeurs, game designer, level designer, techniciens ou chefs de projets, ou tout à la fois, ils aspirent à faire du jeu un moment de plaisir esthétique épuré de ses parasitages marchands et à partager une expérience d’élargissement de l’être se libérant de l’avoir.
Autrement dit, se dégage au sein de cette sphère industrielle vidéoludique, une volonté de s’opposer à la dimension capitaliste qui recouvre la création. Grâce à la dématérialisation, en effet, est apparu un renouveau de la scène indépendante qui a permis l’émergence d’œuvres artistiques défiant non seulement la priorité marchande d’une réussite reconnue mais aussi les cycles d’obsolescence des équipements. D’autres créations d’amateurs de la génération des geeks se faufilent désormais, à l’intericonicité d’œuvres mainstream dans un mouvement plus large de transmédia. Ainsi la création vidéoludique éclot dans des lieux inédits où indépendants, artistes, où créateurs de l’industrie, étudiants, chercheurs se saisissent de ce nouveau média.
Dans cet espace, deux grandes tendances expriment l’apparition de cette contre-culture vidéoludique : l’Artgame et le Game Art qui se côtoient dans les musées et dont les définitions ont tendance à se chevaucher.
Le Game Art (l'art fabriqué à partir de matériaux de jeux vidéo) est aujourd'hui défini suivant 4 catégories :
    • l'utilisation des technologies du jeu vidéo pour générer des images ;
    • l'appropriation et le détournement d’images pour créer des œuvres d'art ;
    • le piratage et la modification des jeux pour créer d’autres jeux ;
    • l'intervention dans l’espace de jeux à travers des pratiques artistiques.
À côté de cette tendance, l’Artgame réunit autant des indépendants, des laboratoires de recherche, des événements. Les Artgames sont des jeux vidéo où les modalités expérientielles - règles, mécanismes de jeu, buts – et les caractéristiques formelles sont conçues selon un parti pris esthétique et plastique affirmé et revendiqué.
Par ailleurs, ces préoccupations sont d’une urgente actualité. L’Artgame et le Game Art constituent un tournant dans la culture vidéoludique comme l’indiquent les récentes recherches, notamment la parution du numéro spécial sur les jeux vidéo de la revue Hermès** (http://www.iscc.cnrs.fr/spip.php?article1621), s’interrogeant sur l’hétérogénéité de la culture vidéoludique, au travers cette question du sens et des valeurs véhiculées dans les jeux vidéo***.
Moyen créatif, le jeu vidéo est saisi par des laboratoires de recherche appliquée comme un terrain d’expérimentation de nouvelles conceptions vidéoludiques qui ne se restreignent plus à la seule innovation technologique et ignorent les messages subliminaux idéologiques. Si le jeu vidéo est à la fois un moyen, une technique, un nouveau médium, un média et un support, il reste à l’interroger comme on le fait pour l’installation, l’art vidéo ou le cinéma.
En posant un regard critique sur les jeux vidéo, situés à la croisée de l’art et de l’industrie, il est possible de faire apparaitre les contradictions et les discordances inhérentes aux œuvres vidéoludiques en vue d’une création émancipée. Si bien qu’il est alors possible de voir dans cette contre-culture des jeux vidéo de l’ArtGame et du Game Art, tout aussi bien des traces d’appropriation néocapitaliste, que de découvrir derrière les étendards des grandes sociétés vidéoludiques certains jeux vidéo se développer comme des véritables œuvres artistiques porteuses d’intentions créatives et poétiques, loin des actuelles valeurs dominantes.
* Meloni, W. THE BRIEF: 2009 Ups and Downs in video game industry. M2 Research, 2010. Accessible sur http://www.m2research.com/the-brief-2009-ups-and-downs.htm
**"Les jeux vidéo, Quand jouer, c'est communiquer", Hermès, La Revue, 2012, CNRS Editions, Coordonné par Jean-Paul Lafrance et Nicolas Oliveri, supervisé par Éric Dacheux.
***S. Rufat & H. T. Minassian (Eds.), Les jeux vidéos comme objet de recherche, Paris : Questions Théoriques, 2011.


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