Projet vidéoludique TRIBUS REBUS

 
Jeu d’exploration et de rôle :
La nature apparaît immense, tout bouge, c’est le chaos, vous vous sentez submergé.  Vous avez la sensation d’être minuscule devant. Les plantes, le vent, les minéraux s’entremêlent autour de silhouettes formées de végétaux vivants, ils essaient de faire corps avec vous. Vous êtes entraînés dans une danse, vous devez attacher votre corps aux silhouettes, suivre leurs mouvements et arriver à vous coller à l’une d’elles pour prendre corps. Lorsque vous y êtes arrivés, doucement le calme apparaît avec la maîtrise de votre avatar. L’aventure commence, vous êtes Sodja, petite fille Cro-Magnon, vous êtes  perdue et vous allez devoir faire face à la nature, l’apprivoiser et devenir son amie. Pour cela, vous devez mimer la nature qui vous entoure, le chant d’un oiseau, la rivière, l’herbe, le vent deviennent une source d’inspiration pour découvrir « les rébus gestuels ». Écoute, patience et curiosité seront les qualités qui vous permettront de gagner de l’expérience. Votre regard, votre oreille, votre corps vont devoir se réveiller aux détails qui l’environnent. Chaque rébus découvert vous ouvre de nouvelles connaissances et espaces à explorer…Êtes-vous prêt pour entrer dans cette fabuleuse épopée de l’histoire de l’humanité ?

Le constat :
« Tribu Rébus » répond à la problématique suivante : six ans après la sortie de la Wii, malgré le développement et l’essor de ces nouvelles interfaces gestuelles, les modalités d’interaction et de design proposées démontrent un réel manque de prise en considération de leurs spécificités. S’installe alors une véritable tension critique autour de ce type d’interface perçue comme des appareils de « gesticulation » sans regard posé sur la signification de ce dialogue corporel entre le joueur et la technologie. La réussite et le contrôle des périphériques est reléguée au rôle du hasard : la dimension vidéoludique de ces interfaces perd donc toute profondeur et vient alors s’inscrire, pour la majorité, dans des jeux de danse réduisant considérablement la figure du joueur à des stéréotypes. Les propositions restent décevantes car elles ne cherchent pas à repenser notre rapport à ces technologies gestuelles qui modifient fondamentalement notre relation à la technologie depuis notre connaissance de l’informatique classique. 

Valeurs : Au coeur du game design, l’anthropologie
Au travers de ce média vidéoludique, la narration et le sens se construisent par un langage gestuel. Les thématiques sont les suivantes :
- L’expression et la mémoire mimétique (Marcel JOUSSE, L’Anthropologie du geste, Marcel MAUSS, Essai sur le don)
- La tolérance des différences (Philippe DESCOLA, Les lances du Crépuscule)
- Les relations hommes / femmes
Positionnant le joueur au cœur d’une épopée humaine préhistorique transmédia, inspirée de la saga Les Enfants de la Terre de J.M AUEL, mais également du mythe du Voyage du Héros de J. CAMPBELL, le projet « Tribu Rébus » a pour ambition d’utiliser la gestuelle comme un élément ludique mais aussi pédagogique.

L’antropos est un complexus de gestes :
L’expression au sens joussien d’  « ex-prim-i-t » soit de faire sortir, d’extérioriser, s’effectue chez l’Anthropos par le mime des choses et des êtres qui l’environnent. Ainsi en tant que   « complexus de gestes », l’homme mime instinctivement toutes les actions ambiantes. Puis intuitivement,  il prolonge ces cinématiques de gestes par des stéréotypes de gestes expressifs concrets, subtils et innombrables. La mémoire est ainsi dynamique et inter-reliée aux contextes d’expression. L’Homme reçoit et accumule en lui les Mimèmes des choses, c’est-à-dire le rejeu du geste infligé par l’objet.  Grâce à ces Mimèmes l’homme prend conscience, c’est cela la pensée. Le rejeu est microscopique dans la pensée et le rêve, il est macroscopique dans l’action. Dans l’univers tout est action et ces actions agissent sur d’autres actions [Jousse, 1974] .

Un agent-agissant-un agit :
Jousse modélise ces Mimèmes en trois temps : un agent-agissant-un agit. Pour traduire une expression mimographique, il faut une « action caractéristique » agissant d’une façon transitoire sur une autre action caractéristique, ce qui donne : la chouette agrippée au peuplier
Ces expressions mimographiques, une fois devenues intelligibles et justes, deviennent le « geste propositionnel », élément de base de la pensée humaine. Ces gestes triphasés doivent être justes pour être efficaces. Il faut que tous nos gestes soient porteurs d’un sens et que ce sens soit exact.  

Spécificités des interfaces gestuelles :
Pour repenser notre rapport aux interfaces gestuelles, le projet « Tribu Rébus » propose d’explorer des axes de développement rejoignant à la fois le game design et les théories anthropologiques du geste :
            - La mimétique et les gestes technologiques : Deux niveaux de gestes seront présents dans le jeu. Le geste anthropologique ou mimétique permet aux joueurs débutants de comprendre l’interaction de manière naturelle, car les connaissances et les actions impliquées sont familières. Les gestes que nous nommons dans nos travaux « caméléons technologiques » (semblables à des « raccourcis clavier ») permettent de créer en dehors de la mimétique un cœur de jeu pour les joueurs plus inconditionnels.
            - La tangibilité : l’interface devient de plus en plus tangible. Les objets « sortent » de l’écran et se déploie un nouvel espace d’interaction en réalité augmentée. Le joueur peut alors s’amuser à manipuler des formes et des objets qui suggèrent des gestes et une utilisation familière. Cette suggestion, aussi qualifiée d’affordance dans les théories du design, se trouve au cœur des mécaniques du jeu.
            - La marge de manœuvre : Le jeu vidéo prend en compte les limites technologiques de ces interfaces qui ont vocation à donner l’illusion d’une communication naturelle. Son objectif est notamment de décentrer les contrôles du jeu hors de l’écran et d’exploiter la notion de contexte de « jouer ensemble ». Ainsi l’erreur ne perturbe pas la fluidité de l’action grâce aux marges de manœuvre qui rendent possible un ensemble de gestes approximativement identiques. L’action même débutante est fluide et permet aux joueurs novices de prendre du plaisir dès le début du jeu.
            - L’avatar : La Kinect offre une relation privilégiée à l’avatar car celui-ci joue un rôle de médiation important. L’identification à l’avatar devient incorporée, c’est le corps des joueurs qui met en mouvement le corps des avatars. Le curseur est remplacé jusqu’à 20 points d’interaction en mouvement.

Jeu de mimes Joussien :
Le cœur de jeu sera la relation de l’héroïne à son environnement. Elle intussusceptera dans le sens de « laisser venir en soi » le monde et le porter à l’intérieur. Celle-ci devra redécouvrir et définir les noms gestuels des éléments signifiants des choses, êtres et situations ambiants. Ainsi en écho et miroir du réel ambiant signifié par l’univers préhistorique construit dans le jeu vidéo, les joueurs devront affûter leur perception et mimer le geste « essentiel ». « Ainsi l’enfant sera mimé par son geste de téter, ce sera un  tétant » [Jousse, 1974, p52]. L’arbre pourra être un tremblant, le poisson un nageant, la chouette un regardant.

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